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EXTRAIT DE LA CHRONIQUE DE FROISSART.

Le comte répondit : Il me plaît bien.

Il entra au château, lui douzième : et puis tantôt on referma le château : et demeurèrent tous les autres dehors. Or considérez le grand péril où le comte se mit adonc : car on l’eût aussi aisément occis (comme faire on devait, par droit et par raison) là-dedans, et toute sa compagnie, qu’on prendrait un oiselet en une cage : mais il ne glosa pas le péril où il était : ainçois (au contraire) alla toujours avant, et fut mené devant le roi. Quand le roi le vit, il mua couleur ; ansi que celui qui sut avoir grandement méfait. Le comte d’Erby parla tout haut, sans faire nul honneur ni révérence, et demanda au roi :

— Êtes-vous encore jeun ?

Le roi répondit : — Oui. Il est encore assez matin. Pourquoi le dites-vous ?

— Il serait heure (dit le comte d’Erby) que vous déjeunissiez : car vous avez à faire un grand chemin.

— Et quel chemin ? dit le roi.

— Il vous faut venir à Londres, répondit le comte d’Erby. Si vous conseille que vous buvez et mangez : afin que cheminez plus liément.

Adonc, répondit le roi, qui fut tout mélancolieux et effrayé de ces paroles : — Je n’ai point faim encore ni volonté de manger.

Adonc dirent les chevaliers, qui voulurent flatter le comte d’Erby : — Sire, croyez monseigneur de Lanclastre votre cousin, car il ne vous veut que tout bien.

Adonc dit le roi : — Je le veux. Faites couvrir les tables.

On se hâta de les couvrir. Le roi lava les mains, et puis s’assit à table, et fut servi. On demanda au comte s’il se voulait asseoir et manger. Il répondit que nenni et qu’il n’était pas jeun. Cependant que le roi était à