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APPENDICE.

son dîner (qui fut bien petit, car il avait le cœur si destraint qu’il ne pouvait manger) tout le pays d’environ le château de Fluich (où le roi se tenait) fut couvert de gens d’armes et d’archers, et les pouvaient voir ceux dudit château par les fenêtres qui regardaient sur les champs : et les vit le roi, quand il se leva de table (car il n’y assit pas trop longuement, mais fit un très-bref dîner, et de cœur tout mélancholieux) et demanda à son cousin quels gens c’étaient qui se tenaient sur les champs. Il répondit qu’ils étaient Londriens le plus.

— Et que veulent-ils ? dit le roi.

— Ils vous veulent avoir (dit le comte d’Erby), et mener à Londres, et mettre dedans la Tour, et par autre voie ne vous pouvez excuser sans passer dedans.

— Non ! dit le roi : lequel s’effraya grandement de cette parole : car il savait bien que les Londriens le haïssaient. Si dit ainsi : Et vous, cousin, n’y pouvez-vous pourvoir ? Je ne me mets point volontiers entre leurs mains : car je sais bien qu’ils me haïssent et ont haï bien longtemps, moi qui suis leur sire.

Adonc répondit le comte d’Erby : — Je ne vois autre remède, fors que vous vous rendez à moi ; et, quand ils sauront que vous serez mon prisonnier, ils ne vous feront nul mal : mais il vous faut ordonner, avec tous vos gens, pour venir à Londres tenir prison à la Tour de Londres.

Le roi (qui se voyait en dur parti, et tous ses esprits s’ébahissaient fort, comme celui qui se doutait de fait que les Londriens le voulussent occire) se rendit au comte d’Erby son cousin, comme son prisonnier : et s’obligea et promit faire tout ce qu’il voudrait : et aussi tous les chevaliers du roi, écuyers et officiers, se rendirent au comte pour esquiver plus grand péril et dommage… Si amena le comte d’Erby son cousin le roi