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LA PATRIE.

ce qui n’est empreint que d’une grandeur conventionnelle. La parodie, qui ne recule pas devant la majesté suprême et qui objecte Satan à Dieu même, a bien le droit d’attaquer les pompes et les dignités purement humaines. Tous ces représentants de l’autorité terrestre, le prince, le magistrat, l’homme de guerre, l’homme d’État, provoquent l’ironie par l’inanité de leur prestige et le néant de leur gloriole. Eh bien ! c’est cette ironie fatale qui continuellement oppose la partie bouffonne à la partie épique de Henry IV. Étudiez de près ce drame, et vous reconnaîtrez que la comédie y parodie sans cesse la tragédie. Les méfaits de celle-là ne font que travestir les forfaits de celle-ci. — Le brigandage de Falstaff et de ses compagnons, qui prétendent se partager la bourse des passants et qui finalement sont frustrés par le prince de Galles, est l’esquisse amusante du brigandage d’Hotspur et de ses complices, qui prétendent faire entre eux le partage de la patrie anglaise et qui finalement sont déjoués par le même prince. La félonie bouffonne du bandit prélude à la trahison épique du soldat. Le vol fait d’avance la charge de la bataille. — De même, un peu plus tard, la fourberie par laquelle Falstaff dupe le juge de paix Shallow et lui extorque son argent, est la simagrée de l’imposture historique par laquelle le prince John de Lancastre dupe l’archevêque d’York et lui arrache la vie. La mauvaise foi de l’escroc prend modèle sur la perfidie de l’homme d’État. Scapin singe Machiavel. — La dignité de la magistrature n’est pas plus respectée par Falstaff que la vanité de la politique. Avec quel comique persiflage il nargue le lord grand juge qui est chargé de le poursuivre ! Par quelle bouffonne plaisanterie il élude l’interrogatoire de ce représentant de la « vieille mère la Loi ! » Il ne se borne pas à berner le magistrat, il le contrefait, et il n’est jamais plus drôle que