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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/125

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SONNETS.

trésor : il faut, malgré tous les délais, qu’elle paye sa dette, et elle ne peut être quitte qu’en te livrant.


*

CXX

Pour moi, charmant ami, vous ne pouvez vieillir ; car, tel vous étiez quand mes yeux rencontrèrent les vôtres pour la première fois, telle votre beauté m’apparaît encore. Le froid de trois hivers a arraché aux forêts la parure de trois étés ;

Trois beaux printemps se sont changés en jaunes automnes, dans la marche des saisons que j’ai vues ; les parfums de trois avrils ont été brûlés au feu de trois juins, depuis le premier jour où je vous ai vu dans toute la fraîcheur de votre jeunesse ; et elle est toujours aussi verte.

Ah ! songez pourtant que la beauté, comme l’aiguille du cadran, dévie furtivement sans qu’on la voie bouger ; ainsi, votre doux éclat, que je me figure immuable, subit un changement sans que mes yeux l’aperçoivent.

Sachez donc, pour vous mettre en garde, jeune inexpérimenté, qu’avant que vous fussiez né, l’été de bien des beautés était mort !

CXXI

Nous demandons une postérité aux plus belles créatures, afin que la rose de la beauté ne puisse jamais mourir et que, fatalement flétrie par la maturité, elle perpétue son image dans un tendre rejeton.