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SONNETS.

Que tous ceux que la nature n’a pas voulu mettre en réserve, les êtres bruts, informes, grossiers, périssent stériles ! Mais regarde ceux qu’elle a le mieux doués, elle t’a donné plus encore. Fais donc valoir, en les prodiguant, ces dons qu’elle t’a prodigués.

Tu es le sceau qu’elle a gravé avec l’intention de mettre ton empreinte sur d’autres et de faire vivre ton type.

CXXXII

Quand je compte les heures qui marquent le temps et les jours splendides sombrés dans la nuit hideuse ; quand je vois la violette hors de saison et les noires chevelures tout argentées de blanc ;

Quand je contemple, dépouillés de feuilles, les grands arbres dont naguère le dais protégeait le pâtre de la chaleur ; quand je vois la verdure de l’été, toute nouée en gerbes, portée sur la civière avec une barbe blanche et hérissée,

Alors, mettant en question ta beauté, je songe que tu dois disparaître parmi les ravages du temps, puisque tant de grâces et de beautés se flétrissent et meurent à mesure que d’autres naissent ;

Je me dis que rien ne peut te sauver de la faux du Temps, si ce n’est une famille qui le brave quand il voudra t’emporter.

CXXXIII

Oh ! si vous existiez par vous-même ! mais, ami, vous ne vous appartiendrez plus dès que vous aurez vécu votre