Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
SONNETS.

Sinon, je tire de toi ce pronostic que ta fin sera l’arrêt fatal de la vertu et de la beauté.

CXXXV

Quand je considère que tout ce qui croît ne reste dans sa perfection qu’un petit moment, et que cet état suprême ne présente que des apparences soumises aux influences mystérieuses des astres,

Quand je réfléchis que les hommes croissent comme les plantes, réjouis et abattus par le même ciel ; qu’ils s’épanouissent dans leur jeune séve, décroissent dès la maturité, et usent leur force vive jusqu’à l’oubli,

Alors la pensée de cette condition inconstante reporte mes yeux sur vous, si riche en jeunesse, et je vois le temps ravageur se liguer avec la ruine pour changer en une nuit hideuse le jour de votre jeunesse.

Alors, pour l’amour de vous, je fais au temps la guerre à outrance, et, à mesure qu’il vous entame, je vous greffe à une vie nouvelle.

CXXXVI

Mais pourquoi ne prenez-vous pas un moyen plus puissant de faire la guerre au temps, ce sanglant despote ? Pourquoi ne vous fortifiez-vous pas vous-même contre la ruine avec des armes plus heureuses que ma rime stérile ?

Vous voilà maintenant au faîte des heures fortunées ; et bien des jardins vierges, encore incultes, vous donne-