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VÉNUS ET ADONIS.

cherche mille moyens pour réparer le mal qu’a envenimé sa dureté. Il l’embrasse, et elle, volontiers, ne se relèverait plus, pourvu qu’il l’embrassât toujours.

LXXXI

À la nuit de la douleur a succédé désormais le jour ; elle entr’ouvre languissamment ses deux paupières azurées : tel le beau soleil, quand dans toute la fraîcheur de sa pompe il égaie la matinée et ranime tout l’univers. Et, comme le brillant soleil fait resplendir le ciel, l’œil de Vénus illumine son visage ;

LXXXII

Les rayons de son regard sont fixés sur la face imberbe d’Adonis comme s’ils lui empruntaient tout leur éclat. Jamais quatre lumières aussi belles n’eussent été réunies, si Adonis n’avait assombri ses yeux d’un froncement de sourcil ; mais les yeux de Vénus, lançant leur flamme à travers le cristal de ses larmes, brillaient comme la lune vue la nuit dans l’eau.

LXXXIII

« Oh ! où suis-je ? dit-elle, sur la terre ou dans le ciel ? suis-je plongée dans l’Océan ou dans le feu ? Quelle heure est-il ? est-ce le matin ou le soir déjà las ? Suis-je ravie de mourir ou désireuse de vivre ? Tout à l’heure je vivais, et cette vie était une affreuse mort ; tout a l’heure je mourais, et cette mort était une vie délicieuse !

LXXXIV

» Oh ! c’est toi qui m’as tuée, tue-moi encore une fois ! Ce cœur dur que tu as, maître acerbe de tes yeux, leur