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VÉNUS ET ADONIS.

vieuse égratigne ses pattes lassées ; toute ombre le fait tressaillir, tout bruit s’arrêter, car le malheur est écrasé par le nombre, et dans son accablement n’est secouru de personne.

CXIX

»… Reste tranquille, et écoute encore un peu… Non, ne te débats point, car tu ne te relèveras pas… Pour te faire haïr la chasse au sanglier, tu m’entends faire de la morale contre mon habitude ; si je tire de toute chose un argument, c’est que l’amour peut commenter tous les maux.

CXX

» Où en étais-je ? » — « N’importe, dit Adonis ; laissez-moi, votre récit ne peut pas mieux finir ; la soirée se passe. » — « Eh bien, après ? dit Vénus. » — « Je suis attendu par mes amis, répond-il ; voilà qu’il fait noir, et je tomberai en m’en allant. » — « Ah ! s’écrie-t-elle, c’est dans la nuit que le désir y voit le mieux.

CXXI

» D’ailleurs, si tu tombes, oh ! imagine-toi que c’est la terre, amoureuse de toi, qui te fait faire un faux pas uniquement pour te dérober un baiser. Les riches proies rendent les honnêtes gens voleurs ; ainsi tes lèvres rendent sombre et farouche la chaste Diane, qui craint de te ravir un baiser et de mourir parjure.

CXXII

» Maintenant je devine la raison de cette nuit noire. Cynthia humiliée obscurcit sa lueur d’argent, jusqu’à ce