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VÉNUS ET ADONIS.

comme le sont souvent la nuit les piétons dont la lumière s’est éteinte dans quelque bois inquiétant, Vénus reste ainsi effarée dans les ténèbres, ayant perdu l’être radieux qui la guidait.

CXXXIX

Et alors elle frappe sa poitrine qui gémit ; toutes les cavernes voisines, apparemment troublées, font la répétition verbale de ses plaintes ; elle entasse lamentations sur lamentations. Hélas ! s’écrie-t-elle, et vingt fois : malheur ! malheur ! Et vingt échos répètent vingt fois ce cri.

CXL

Elle, les entendant, profère des accents douloureux, et entonne tout à coup un refrain mélancolique ; elle dit comment l’amour fait les jeunes gens esclaves, et radoteurs les vieux ; que d’esprit l’amour a dans sa folie, que de folie dans son esprit ; son lugubre anathème finit toujours par : malheur ! et toujours le chœur des échos lui répond : malheur !

CXLI

Son chant était monotone, et dura plus longtemps que la nuit : car les heures sont longues, qui semblent courtes aux amoureux. S’ils sont contents eux-mêmes, ils s’imaginent que d’autres éprouvent le même plaisir dans les mêmes distractions ; leurs fastidieux récits, fréquemment recommencés, finissent sans auditoire et sont interminables.

CXLII

Car avec qui Vénus passe-t-elle la nuit ? Avec de vains parasites à la voix creuse qui, comme des cabaretiers