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VÉNUS ET ADONIS.

entre elles, c’est à qui dominera sa douleur. Toutes s’imposent, et de telle manière que l’impression présente semble suprême, mais aucune ne l’emporte ; elles se confondent toutes, comme un amas de nuages qui se combinent pour le mauvais temps.

CLXIII

Sur ce, elle entend le holà ! lointain d’un chasseur. Jamais chant de nourrice ne charma autant son nourrisson. Cette voix de l’espoir tend à dissiper la funèbre idée qu’elle poursuivait ; car maintenant la joie renaissante l’invite à se réjouir, en lui faisant croire que c’est la voix d’Adonis.

CLXIV

Aussitôt ses larmes refluent, emprisonnées dans ses yeux comme des perles dans du cristal ; parfois pourtant une gouttelette splendide en jaillit ; mais sa joue l’absorbe, comme pour l’empêcher d’aller laver la face noire de la terre immonde, qui n’est qu’enivrée quand elle semble noyée.

CLXV

Ô sceptique amour, combien tu es étrange de ne rien croire tout en étant si crédule ! Pour toi l’heur et le malheur sont extrêmes ; le désespoir et l’espérance font de toi leur jouet ; l’une te berce d’improbables pensées, l’autre t’accable aussitôt de pensées vraisemblables.

CLXVI

Maintenant elle défait la trame qu’elle vient d’ourdir. Adonis vit, et la mort n’est point à blâmer ; ce n’est pas