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VÉNUS ET ADONIS.

CLXXXII

» Aussi se couvrait-il d’une coiffe ; mais le soleil éclatant s’infiltrait sous les bords, le vent la lui enlevait, et, dès qu’elle était tombée, jouait avec les boucles de ses cheveux ; alors Adonis pleurait ; et aussitôt, par pitié pour ses tendres années, le vent et le soleil se disputaient à qui sécherait ses larmes.

CLXXXIII

» Pour voir son visage, le lion se glissait derrière quelque haie, de peur de l’effrayer ; pour être charmé par son chant, le tigre s’apprivoisait et écoutait doucement. S’il parlait, le loup lâchait sa proie et s’abstenait ce jour-là d’alarmer l’innocent agneau.

CLXXXIV

» Quand il mirait son ombre dans la rivière, les poissons étalaient à la surface leurs nageoires d’or. Quand il approchait, les oiseaux étaient si joyeux que les uns chantaient et que les autres lui apportaient dans leur bec des mûres et de rouges cerises. Il les nourrissait de sa vue, ils le nourrissaient de fruits.

CLXXXV

» Mais ce sanglier hideux, sinistre, au museau hérissé, dont l’œil baissé cherche toujours une tombe, n’a jamais vu la livrée de beauté que portait Adonis : témoin le traitement qu’il lui a fait subir ; ou, s’il a vu son visage, alors, j’en suis sûre, c’est en pensant le caresser qu’il l’a tué.