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LE VIOL DE LUCRÈCE.

mené par une passion maudite, le seigneur romain marche au lit de Lucrèce.

XLIV

Les serrures qui s’interposent entre sa volonté et la chambre fatale, forcées par lui une à une, cèdent leur poste ; mais, en s’ouvrant, toutes grincent contre son attentat, ce qui force le furtif crocheteur à des précautions. Le seuil froisse la porte pour le dénoncer ; les belettes, vagabondes nocturnes, crient en le voyant là ; elles l’effraient, mais toujours il marche sur sa frayeur.

XLV

À mesure que chaque porte lui livre à regret le passage, à travers les fentes et les fissures de la paroi, le vent lutte avec sa torche pour le retenir, et lui souffle la fumée au visage, éteignant un moment la clarté conductrice ; mais son cœur ardent, que brûle un désir effréné, exhale un souffle contraire qui ranime la flamme.

XLVI

Ainsi éclairé, il aperçoit à cette lueur le gant de Lucrèce, auquel est attachée une aiguille ; il le ramasse sur la natte, et, au moment où il le saisit, l’aiguille lui pique le doigt, comme pour lui dire : Ce gant n’est pas fait pour des jeux libertins ; retourne en hâte sur tes pas ; tu vois bien que les parures mêmes de notre maîtresse sont chastes.

XLVII

Mais tous ces chétifs obstacles ne peuvent l’arrêter : il interprète leur résistance dans le plus mauvais