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LE VIOL DE LUCRÈCE.

LI

» Eh bien, que l’amour et la fortune soient mes divinités et mes guides ! Ma volonté est soutenue par la détermination ; les pensées ne sont que des rêves tant que leurs effets ne sont pas manifestés ; le péché le plus noir est lavé par l’absolution ; la glace de la frayeur se dissout au feu de l’amour ; l’œil du ciel est fermé, et les brumes de la nuit couvrent la honte attachée à de si suaves délices. »

LII

Cela dit, sa main coupable lève le loquet, et avec son genou il ouvre la porte toute grande. Elle dort profondément, la colombe que veut saisir ce chat-huant : ainsi la trahison agit avant que le traître soit découvert. Quiconque voit le serpent aux aguets peut se retirer ; mais Lucrèce, endormie dans une profonde quiétude, est là à la merci de son dard meurtrier.

LIII

Il s’avance criminellement dans la chambre et contemple ce lit encore immaculé. Les rideaux étant fermés, il va et vient, roulant dans sa tête ses yeux avides ; leur trahison égare son cœur, lequel bientôt donne à sa main le signal de refouler le nuage qui cache la lune argentée.

LIV

Le brillant soleil aux traits de flamme nous éblouit en jaillissant d’une nuée. Ainsi, les rideaux à peine tirés,