Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
INTRODUCTION.

second ? Audace inouïe qui fit école non-seulement en Italie, mais dans toute l’Europe[1].

Le sonnet, comme tout ce qui venait d’Italie, fut bien vite à la mode en France. Là, la pédanterie de la critique contribua, autant que la coquetterie des femmes, à sa vogue extraordinaire. Dans le livre de du Bellay que nous avons déjà cité, la Pléiade conseillait ainsi aux poëtes futurs de renoncer aux vieilles formes naïves de Villon et de Marot pour prendre les formes plus savantes de la Gréce et de l’Italie :

« Lis donc et relis premièrement, ô poète futur, les exemplaires grecs et latins ; puis, me laisse toutes ces poésies françoises aux jeux Floraux de Toulouse et au Puy de Rouan, comme rondeaux, ballades, chants royaux, chansons et telles autres épiceries qui corrompent le goust de notre langue et ne servent sinon à porter témoignage de notre ignorance. Chante-moi ces odes inconnues encore de la langue françoise, d’un luth bien accordé au ton de la lyre grecque et romaine, et qu’il n’y ait rien ou n’apparoissent quelques vestiges de rare et antique érudition… Sonne-moi ces beaux sonnets, non moins docte que plaisante invention italienne, pour laquelle tu as Pétrarque et quelques modernes Italiens. »

En Angleterre comme en France, tous les poëtes se mirent à sonner ces beaux sonnets : Surrey, Wyat, Philipp Sydney, Raleigh, Spenser, Daniel, Drayton. Ce fut une rage chez la reine d’Angleterre comme chez le roi de France. Que d’Orontes parmi tous ces courtisans ! Voulez-vous voir la cour d’Élisabeth ? Relisez cette charmante comédie de Peines d’amour perdues. Là, tous les amoureux font des sonnets : le prince pour la princesse, Biron pour Rosalinde, Longueville pour Marie, Dumaine pour

  1. La modification introduite par Casa dans le sonnet a été adoptée par Shakespeare, par Daniel et par Drayton.