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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CXLVIII

» Pauvre bras, pourquoi frémis-tu à ce décret ? Honore-toi de me débarrasser de cette ignominie ; car, si je meurs, mon honneur vit en toi ; mais, si je vis, tu vis de mon infamie. Puisque tu n’as pu défendre ta loyale dame, puisque tu as eu peur d’écorcher son criminel ennemi, immole-toi avec elle pour avoir cédé ainsi. »

CXLIX

Cela dit, elle s’élance de sa couche en désordre pour chercher quelque instrument désespéré de mort, mais cette maison n’est point un charnier ; elle n’y trouve pas d’instrument pour ouvrir une issue plus large à son souffle qui, affluant à ses lèvres, s’évanouit comme la fumée de l’Etna s’évaporant dans l’air, ou comme celle qui s’exhale d’un canon déchargé.

CL

« En vain, dit-elle, je vis et en vain je cherche quelque heureux moyen de terminer une vie funeste. J’ai eu peur d’être tuée par le glaive de Tarquin, et pourtant je cherche un couteau dans la même intention ; mais, quand j’avais peur, j’étais une loyale épouse ; je le suis encore… Oh ! non, cela ne peut être ; Tarquin m’a dépouillée de ce beau titre.

CLI

» Oh ! je n’ai plus ce qui me faisait désirer de vivre ; je ne dois donc plus craindre de mourir ; si j’efface cette tache par la mort, du moins je mets un blason de gloire