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LE PÈLERIN PASSIONNÉ.

VIII

N’est-ce pas la céleste rhétorique de ton regard, à laquelle l’univers ne pourrait opposer d’argument, qui a entraîné mon cœur à ce parjure ? À rompre un vœu pour toi on ne mérite pas de châtiment.

J’ai renoncé à une femme ; mais je prouverai que je n’ai pas renoncé à toi qui es une déesse. Mon vœu était tout terrestre, tu es un céleste amour. Ta grâce obtenue me guérit de toute disgrâce.

Mon vœu n’était qu’un souffle ; le souffle n’est qu’une vapeur. Ainsi, beau soleil qui brilles sur cette terre, aspire à toi mon vœu ; en toi il s’absorbe ; si alors il est rompu, ce n’est pas ma faute.

Et, quand il serait rompu par ma faute, quel fou n’est pas assez sage pour violer un serment afin de gagner un paradis (24) ?

IX

Si l’amour me rend parjure, comment puis-je jurer d’aimer ? Ah ! les serments ne sont valables qu’adressés à la beauté. Bien qu’à moi-même parjure, envers toi je serai constant. La pensée, chêne pour moi, devant toi plie comme un roseau.

L’étude, cessant de dévoyer, fait son livre de tes yeux qui recèlent toutes les jouissances que peut contenir l’art. Si la connaissance est le but, te connaître doit suffire. Bien savante est la langue qui sait bien te louer.

Bien ignorante est l’âme qui te voit sans être éblouie. Il suffit à ma gloire d’admirer tes mérites. L’éclair de Jupiter est dans ton regard ; sa foudre, dans ta voix qui, quand elle est sans colère, est musique et douce flamme.