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LE PÈLERIN PASSIONNÉ.

hélas ! c’était un crève-cœur pour la candide damoiselle.

Elle dut refuser l’un des deux, et son regret fut vif de ne pouvoir les rendre heureux l’un et l’autre ; car ce fut le chevalier fidèle qu’elle blessa d’un refus. Hélas ! elle ne pouvait faire autrement.

Ainsi l’art fut victorieux dans sa lutte avec l’épée ; la jeune fille fut conquise par le prestige de la science. Le savant possède la belle, et sur ce, bonsoir ! Car ma chanson finit là.

XIV

Un jour, hélas ! un jour, l’amour, dont le mois est toujours mai, découvrit une fleur ravissante, se jouant dans l’air voluptueux.

Entre ses pétales veloutées, le vent invisible se frayait un passage ; si bien que l’amoureux, languissant à mourir, se prit à envier l’haleine du ciel :

« Zéphyr, dit-il, tu peux souffler à pleines joues ; zéphyr, que ne puis-je triompher comme toi !… Mais, hélas ! rose, ma main a juré de ne jamais te cueillir à ton épine ! Serment, hélas ! bien peu fait pour la jeunesse, si prompte à cueillir les douces choses.

» Si je me parjure pour toi, ne m’en fais pas un crime. Près de toi Jupiter jurerait que Junon n’est qu’une Éthiopienne, et, pour toi se faisant mortel, il nierait être Jupiter. »

XV

Mes troupeaux n’engraissent pas, mes brebis ne nourrissent pas, mes béliers ne multiplient pas, tout va mal.

L’amour se meurt, la foi se moque, le cœur se renie ; voilà la cause de tout cela.