Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
INTRODUCTION.

Nous n’avons pas eu la prétention d’analyser ici les sonnets de Shakespeare : on n’analyse pas de pareilles œuvres, on les lit. Nous avons voulu seulement appeler l’attention du public sur la partie dramatique que les sonnets contiennent, et indiquer à grands traits l’enchaînement moral qui les relie les uns aux autres ; nous avons voulu prouver ainsi, en dépit des dénégations de la critique puritaine et doctrinaire, que ces poëmes ne sont pas, malgré leur désordre apparent, des inspirations jetées au hasard, et montrer jusqu’à l’évidence cette unité cachée qui jusqu’ici n’avait été que confusément entrevue.

Mais, nous objectera-t-on, si cette unité a jamais existé réellement, comment se fait-il qu’elle n’ait pas été respectée ? Pourquoi ces mêmes sonnets, que vous nous présentez aujourd’hui dans un ordre logique, ont-ils été livrés tout d’abord au public dans un désordre incompréhensible ?

Pour répondre à cette objection, il est nécessaire, en premier lieu, d’éclaircir un point, resté jusqu’ici très-obscur, de l’histoire littéraire du seizième siècle. À qui les sonnets de Shakespeare furent-ils dédiés ? Sur ce point important, les antiquaires, les critiques et les commentateurs ont accumulé les conjectures les plus contradictoires. On sait déjà que les sonnets ont été publiés pour la première fois en 1609. Voici la dédicace énigmatique qui les précédait :

to
the only begetter of these ensuing sonnets,

Mr. W. H.,
all happiness
and
that eternity promised by our ever living poet,
wisheth
the well wishing adventurer.
in setting forth.
T. T.