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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/91

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SONNETS.

LXV

De quelle substance êtes-vous donc fait, vous qu’escortent des millions d’ombres étranges ? Chaque être n’a qu’une ombre unique, et vous, qui n’êtes qu’un pourtant, vous prêtez votre ombre à tout.

Qu’on décrive Adonis, et le portrait n’est qu’une pauvre imitation de vous-même ; qu’on déploie toutes les beautés de l’art sur la joue d’Hélène, et vous voilà peint à nouveau sous le costume grec ;

Qu’on parle du printemps et de la saison féconde : l’un n’est qu’une ombre de votre beauté, l’autre que le reflet de votre bonté ; et nous vous reconnaissons sous toute forme bénie.

Il n’est pas de grâce extérieure où vous n’ayez quelque part ; mais nul ne vous ressemble et vous ne ressemblez à nul par la constance du cœur.

LXVI

Oh ! ne dis jamais que mon cœur t’a trahi, bien que l’absence ait semblé modérer ma flamme ! Je ne puis pas plus facilement me séparer de moi-même que de mon âme, qui vit dans ton sein.

En toi est mon logis d’amour ; et, si j’ai vagabondé comme le voyageur, j’y reviens de nouveau, me détournant à temps sans que le temps m’ait détourné, et rapportant avec moi l’eau amère qui doit laver ma faute.