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SCÈNE XIV.

julia.

— Elle vous en remercie.

silvia.

Que dis-tu ?

julia.

— Je vous remercie, madame, de vous intéresser à elle. — Pauvre gentille femme ! Mon maître l’a bien fait souffrir.

silvia.

— Est-ce que tu la connais ?

julia.

Presque autant que je me connais moi-même. — Rien qu’en pensant à ses malheurs, je vous jure — que j’ai pleuré cent fois.

silvia.

— Elle pense sans doute que Protée l’a abandonnée.

julia.

— Je crois que oui, et c’est là la cause de son chagrin.

silvia.

— N’est-elle pas éclatante de beauté ?

julia.

— Elle l’a été, madame, plus qu’elle ne l’est. — Quand elle se croyait aimée de mon maître, — elle avait, à mon jugement, autant d’éclat que vous ; mais depuis qu’elle a négligé son miroir — et jeté le masque qui l’abritait du soleil, — l’air a flétri les roses de ses joues — et meurtri son teint de lis, — tellement qu’elle est aujourd’hui aussi hâlée que moi.

silvia.

— De quelle taille est-elle ?

julia.

— À peu près de ma hauteur : car, à la Pentecôte, — quand se jouaient nos parades joyeuses, — nos jeunes camarades me faisaient jouer un rôle de femme, — je