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CORIOLAN.

sent peut opposer son Il le faut, — son populaire Il le faut à une réunion de fronts graves — comme n’en vit jamais la Grèce ! Par Jupiter, — voilà qui avilit les consuls ; et mon âme souffre, — en voyant dans ce conflit de deux autorités — rivales, combien vite le désordre — peut se glisser entre elles et les détruire — l’une par l’autre.

cominius.

Allons, rendons-nous à la place publique.

coriolan.

— Quant à ceux qui ont conseillé de distribuer — gratuitement le blé des greniers publics, ainsi qu’on faisait — parfois en Grèce…

ménénius.

Bon, bon, assez.

coriolan.

— (Et rappelons-nous qu’en Grèce le peuple avait une puissance plus absolue), — je dis qu’ils n’ont fait que nourrir la désobéissance et fomenter — la ruine de la chose publique.

brutus.

Eh quoi ! le peuple donnerait — ses suffrages à un homme qui parle ainsi !

coriolan.

Je donnerai mes raisons, — qui certes valent mieux que ses suffrages. Vos plébéiens savent que cette distribution de blé — n’était pas une récompense, sûrs, comme ils le sont, — de n’avoir rendu aucun service qui la justifie. Réclamés pour la guerre, — au moment même où l’État était atteint aux entrailles, — ils n’ont pas voulu franchir les portes, et un pareil service — ne méritait pas le blé gratis. Pendant la guerre, — les mutineries et les révoltes par lesquelles s’est manifestée — surtout leur vaillance, n’ont pas parlé en leur faveur. Les calomnies — qu’ils ont souvent lancées contre le sénat, — pour des motifs mort-nés,