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SCÈNE XXI.

deuxième serviteur.

Bah ! sommes-nous pas camarades et amis ?… Il a toujours été trop fort pour lui. Je le lui ai entendu dire à lui-même.

premier serviteur.

Pour dire la vérité sans détour, il a toujours été trop fort pour lui : devant Corioles, il l’a dépecé et haché comme une carbonnade.

deuxième serviteur.

S’il avait eu des goûts de cannibale, il aurait pu le manger rôti.

premier serviteur.

Mais poursuis tes nouvelles.

troisième serviteur.

Eh bien, il est traité ici comme s’il était le fils et l’héritier de Mars : on l’a mis au haut bout de la table ; pas un sénateur ne lui adresse une question sans se tenir tête chauve devant lui. Notre général le traite comme une maîtresse, lui touche la main avec adoration et l’écoute les yeux blancs d’extase. Mais l’important de la nouvelle, c’est que notre général est coupé en deux, et n’est plus que la moitié de ce qu’il était hier : car l’autre est devenu la seconde moitié, à la prière et du consentement de toute l’assistance. Il ira, dit-il, tirer les oreilles au portier de Rome : il veut tout faucher devant lui, tout raser sur son passage.

deuxième serviteur.

Et il est capable de le faire autant qu’aucun mortel imaginable.

troisième serviteur.

Capable de le faire ! il le fera. Car, voyez-vous, monsieur, il a autant d’amis que d’ennemis… lesquels amis, monsieur, pour ainsi dire… n’osaient pas… voyez-vous,