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CORIOLAN.

et, messire, vous êtes éclipsé dans cette campagne, — même aux yeux de vos partisans.

aufidius.

Je ne saurais pour le moment empêcher cela, — sans risquer, par les moyens employés, d’estropier — mes desseins. Il montre, — à mon égard même, une arrogance à laquelle je ne m’attendais — guère, quand je le reçus à bras ouverts. Mais cette nature-là, — il l’a prise au berceau, et je dois excuser — ce qui ne peut se corriger.

le lieutenant.

Cependant, messire, j’aurais souhaité, — pour vous-même, que vous n’eussiez pas — partagé vos pouvoirs avec lui : j’aurais désiré ou — que seul vous eussiez pris le commandement ou que — vous l’eussiez laissé à lui seul.

aufidius.

— Je te comprends ; et, sois-en sûr, — quand il viendra à rendre ses comptes, il ne se doute pas — de ce que je puis faire valoir contre lui. Il a beau — se figurer et persuader — au vulgaire que sa conduite est en tout loyale — et qu’il se montre bon ménager des intérêts de l’État volsque ; — il a beau se battre comme un dragon et triompher aussitôt — qu’il tire l’épée ; pourtant il est coupable d’une certaine inaction — qui, dussé-je risquer ma tête, fera tomber la sienne, — quand nous viendrons à rendre nos comptes.

le lieutenant.

— Je vous le demande, messire, croyez-vous qu’il emporte Rome ?

aufidius.

— Toutes les places se rendent à lui avant qu’il les assiége ; — la noblesse de Rome lui appartient ; — les sénateurs et les patriciens l’aiment également ; — les tribuns ne sont pas des soldats ; et le peuple — sera aussi ardent à le rappeler qu’il a été prompt — à l’expulser. Je crois qu’il