Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 9.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
SCÈNE I.

roi, comme mon père, suivi comme mon maître, — et nommé dans mes prières comme mon patron sacré…

lear.

— L’arc est bandé et ajusté : évite la flèche.

kent.

— Que plutôt elle tombe sur moi, dût son fer envahir — la région de mon cœur ! Que Kent soit discourtois — quand Lear est insensé ! Que prétends-tu, vieillard ? — Crois-tu donc que le devoir ait peur de parler, — quand la puissance cède à la flatterie ? L’honneur est obligé à la franchise, — quand la majesté succombe à la folie. Révoque ton arrêt, — et, par une mûre réflexion, réprime — cette hideuse vivacité. Que ma vie réponde de mon jugement : — la plus jeune de tes filles n’est pas celle qui t’aime le moins : — elle n’annonce pas un cœur vide, la voix grave — qui ne retentit pas en un creux accent !

lear.

Kent, sur ta vie, assez !

kent.

— Ma vie, je ne l’ai jamais tenue que pour un enjeu — à risquer contre tes ennemis, et je ne crains pas de la perdre, — quand ton salut l’exige.

lear.

Hors de ma vue !

kent.

— Sois plus clairvoyant, Lear, et laisse-moi rester — le point de mire constant de ton regard.

lear.

— Ah ! par Apollon !

kent.

Ah ! par Apollon, roi, — tu adjures tes dieux en vain.

lear, mettant la main sur son épée.

Ô vassal ! mécréant !