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SCÈNE XIII.

edgar.

Qui donne quelque chose au pauvre Tom ? Le noir démon l’a promené à travers feu et flamme, à travers gués et tourbillons, par les bourbiers et les fondrières ; il a placé des couteaux sous son oreiller, une hart sur son banc à l’église (53), a mis de la mort aux rats dans son potage ; il l’a rendu orgueilleux de cœur, et l’a fait chevaucher sur un trotteur bai, par des ponts larges de quatre pouces, à la poursuite de son ombre, dénoncé comme traître… Le ciel bénisse tes cinq sens !… Tom a froid. Oh ! doudi, doudi, doudi !… Le ciel te préserve des trombes, des astres néfastes et des maléfices !… Faites la charité au pauvre Tom que le noir démon tourmente. Tenez ! je pourrais l’attraper là, et là, et là, et là encore, et là !

L’orage continue.
lear.

— Quoi ! ses filles l’ont réduit à cet état ! — N’as-tu pu rien garder ? Leur as-tu tout donné ? —

le fou.

Nenni ! il s’est réservé une couverture, autrement toutes nos pudeurs auraient été choquées.

lear.

— Eh bien, que tous les fléaux qui dans l’air ondoyant — planent fatidiques au-dessus des fautes humaines, tombent sur tes filles !

kent.

— Il n’a pas de filles, sire.

lear.

— À mort, imposteur ! rien n’a pu ravaler une créature — à une telle abjection, si ce n’est l’ingratitude de ses filles. — Est-ce donc la mode que les pères reniés — obtiennent si peu de pitié de leur propre chair ? — Juste châtiment ! c’est de cette chair qu’ont été engendrées — ces filles de pélican.