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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

(2) « Il advint que le Sénat, soutenant les riches, entra en grande dissension avec le menu peuple, lequel se sentait trop durement traité et oppressé par les usuriers qui leur avaient prêté quelque argent, pour ce que ceux qui avaient quelque peu de quoi, en étaient privés par les créanciers, qui leur faisaient saisir ce peu de biens qu’ils avaient, à faute de payer les usures, et puis conséquemment décréter et vendre au plus offrant pour être payés, et ceux qui n’avaient du tout rien, étaient eux-mêmes saisis au corps, et leurs personnes détenues en servitude, encore qu’ils montrassent les cicatrices des blessures qu’ils avaient reçues en plusieurs batailles où ils s’étaient trouvés pour le service et pour la défense de leur chose publique, desquelles la dernière avait été contre les Sabins qu’ils avaient combattus, sous la promesse que les riches leur avaient faite de les traiter à l’avenir plus doucement, et aussi que par autorité du Conseil le prince du Sénat, Marcus Valérius, leur en avait répondu. Mais après qu’ils eurent si bien fait leur devoir encore cette dernière fois, qu’ils défirent leurs ennemis et qu’ils virent qu’on ne les en traitait de rien mieux, ni plus humainement, et que le Sénat faisait l’oreille sourde, montrant ne se point souvenir des promesses qu’il leur avait faites, mais les laissait emmener comme esclaves en servitude par les créanciers, et souffrait qu’ils fussent dépouillés de tous leurs biens, adonc commencèrent-ils à se mutiner ouvertement et à s’émouvoir de mauvaises et dangereuses séditions dedans la ville. De quoi les ennemis étant avertis, entrèrent à main armée dedans le territoire de Rome, brûlant et pillant tout par où ils passaient ; pour à quoi remédier, les magistrats firent incontinent crier à son de trompe que tous ceux qui se trouveraient en âge de porter armes, se vinssent faire enrôler pour aller à la guerre ; mais personne n’obéit à leur commandement.

À l’occasion de quoi les opinions des principaux hommes, et qui avaient autorité au gouvernement des affaires, se divisèrent aussi pour ce que les uns furent d’avis qu’il était raisonnable qu’on calât et cédât un petit à ce que les pauvres