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NOTES.

traire les patriciens lui demandèrent pour quelle raison ils voulaient eux-mêmes faire mourir ainsi cruellement et méchamment l’un des plus hommes de bien et des plus vertueux de la ville, sans y garder forme de justice ni qu’il eût été judiciellement ouï et condamné. « Or bien, dit adonc Sicinius, s’il ne tient qu’à cela, ne prenez point là-dessus occasion ni couleur de querelle et sédition civile à l’encontre du peupie ; car il vous octroie ce que vous demandez, que son procès lui soit fait judiciellement. Pourtant nous te donnons assignation, dit-il en adressant sa parole à Martius, à comparoir devant le peuple au troisième jour de marché prochainement, venant pour te justifier et prouver que tu n’as point forfait ; sur quoi le peuple, par ses voix, donnera sa sentence. » Les nobles se contentèrent pour lors de cet appointement et leur suffit de pouvoir emmener Martius à sauveté. Cependant en l’espace de temps qu’il y avait jusques au troisième jour de marché prochain après, pour ce que le marché se tient à Rome de neuf jours en neuf jours, et l’appelle-t-on pour cette cause en latin Nundinœ, survint la guerre contre les Antiates, laquelle leur donna espérance de faire aller en fumée cette assignation, pensant que cette guerre dût si longuement durer que l’ire du peuple en serait beaucoup diminuée ou du tout amortie pour les affaires et empêchements de la guerre. Mais au contraire l’appointement fut incontinent fait avec les Antiates, et s’en retourna le peuple à Rome, là où les patriciens s’assemblèrent et tinrent conseil par plusieurs fois entre eux pour aviser comment ils feraient pour n’abandonner point Martius, et ne donner point aussi d’occasion une autre fois aux tribuns de mutiner et soulever le peuple. Là, Appius Clodius, qui était tenu pour un des plus âpres adversaires de la part populaire, leur prédit et protesta qu’ils ruineraient l’autorité du sénat et perdraient la chose publique, s’ils enduraient que le peuple eût voix et autorité pour juger les nobles à la pluralité des voix. Au contraire, les plus vieux et les plus populaires d’entre les nobles disaient que le peuple, lorsqu’il se verrait la puissance et l’autorité souveraine de mort et de vie en main, ne serait