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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

gonorill.

— Quoi ! faire une peau neuve, déjà ! Vous me donnez là une belle réputation, vraiment ! — Ô vieux misérable ! qui a jamais entendu pareille chose ? — Chercher ainsi à diffamer son propre enfant !

cornouailles.

— Je ne puis rester à entendre ces cris de discorde.

Il sort.
gonorill.

— Si vous connaissez quelqu’un qui aime votre compagnie, — vous pouvez faire vos paquets et chercher un autre lieu — où semer les germes de discorde et de disgrâce.

Elle sort.
leir.

— Ainsi, quoi que je dise ou fasse, — la chose est immédiatement torturée en sens inverse. — Ce châtiment, mes péchés accablants le méritent — dix millions de fois. — Autrement le vieux Leir ne trouverait pas — si cruelle celle pour qui il a toujours été si bon. — Faut-il donc que je me survive pour voir — la loi de la nature se retourner contre moi ! — Ah ! douce mort, si jamais une créature — a souhaité ta présence avec ferveur, — c’est moi ! Viens, je t’en supplie de tout mon cœur, — viens terminer mes souffrances de ton trait fatal.

Il pleure.
perillus.

— Ah ! ne vous découragez pas, — ne mouillez pas de larmes funestes vos vieilles joues.

leir.

— Qui donc es-tu, toi qui as pitié — de la misérable condition du vieux Leir ?

perillus.

— Quelqu’un qui prend part à sa douleur, — comme à celle du père le plus chéri.

leir.

— Ah ! mon bon ami, que tu es malavisé — de sympathiser avec les malheureux ! — Va apprendre à flatter quelque part où tu puisses — trouver faveur au milieu des grands et faire ton chemin. — Car maintenant je suis si pauvre et si besoigneux — que je ne pourrai jamais récompenser ton dévouement.

perillus.

— Ce qu’on obtient par la flatterie n’est pas durable ; — et l’existence des gens en faveur n’est pas la plus sûre. — Ma conscience me dit que, si je vous abandonnais, — je serais le rebut le plus immonde de la terre, — moi qui me souviens du passé et qui sais — que de bontés son seigneur a eues pour moi et les miens.