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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

ragane.

— Je n’ai jamais entendu un plus infâme parleur.

leir.

— Honte à toi, vipère, écume, immonde parricide, — plus odieuse à ma vue qu’un crapaud. — Connais-tu cette lettre ?

Ragane arrache et déchire la lettre que lui montre Leir.
ragane.

— Croyez-vous me fermer la bouche avec vos misérables griffonnages ? — Vous venez pourchasser mon mari de ses domaines, — sous prétexte d’une lettre fabriquée.

leir.

— Qui a jamais entendu pareil blasphème ?

perillus, à Ragane.

— Vous nous devez un peu plus de patience. — Nous étions plus patients le jour où nous avons attendu — plus de deux heures dans certain bosquet.

ragane.

— Deux heures ? Dans quel bosquet ?

perillus.

— Eh bien, ce bosquet où vous avez envoyé votre serviteur — avec une lettre, — scellée de votre main, lui ordonnant de nous envoyer tous deux au ciel, — où, je crois, vous n’avez nullement l’intention d’aller vous-même.

ragane.

— Hélas ! à force de vieillir vous êtes retombé en enfance, — ou vous extravaguez par besoin de dormir.

perillus.

— En effet, vous nous avez fait lever de bonne heure, vous savez. — Pourtant vous auriez bien voulu que nous nous endormissions — pour ne nous réveiller qu’au dernier jour du monde.

gonorill.

— Silence, silence, vieillard ! Tu dors encore.

monfort, à Perillus.

— Ma foi, quand vous raisonneriez jusqu’à demain, — vous n’obtiendriez pas d’elle une meilleure réponse. — C’est pitié que deux personnes si belles — aient à elles deux si peu de grâce. — Eh bien, voyons si leurs maris peuvent avec leurs bras — faire autant qu’elles avec leurs langues.