Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/137

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le connétable.

En ce cas, vous verrez que demain ils auront envie de manger, et point de se battre. À présent il est temps de nous armer. Allons, venez-vous ?

orléans.

Il est maintenant deux heures ; mais voyons… Avant dix heures — nous aurons chacun notre centaine d’Anglais.

Ils sortent.


Entre le Chœur.


le chœur.

— Figurez-vous maintenant l’heure — où les murmures goutte à goutte et les ténèbres à flot — remplissent l’immense vaisseau de l’univers. — D’un camp à l’autre, à travers la sombre matrice de la nuit, — le bourdonnement des deux armées va s’assoupissant : — les sentinelles en faction perçoivent presque — le mot d’ordre mystérieusement chuchoté aux postes ennemis. — Les feux répondent aux feux ; et à leur pâle flamboiement — chaque armée voit les faces sombres de l’autre. — Le destrier menace le destrier par d’éclatants et fiers hennissements — qui percent la sourde oreille de la nuit ; et dans les tentes — les armuriers, équipant les chevaliers, — avec leurs marteaux rivant à l’envi les attaches, — donnent le redoutable signal des préparatifs. — Les coqs de la campagne chantent, les cloches tintent — et annoncent la troisième heure de la somnolente matinée. — Fiers de leur nombre, la sécurité dans l’âme, — les confiants et outrecuidants Français — jouent aux dés les Anglais méprisés — et querellent la nuit éclopée et lente — qui, comme une noire et hideuse sorcière, se traîne — si fastidieusement. Les pauvres Anglais, — victimes condamnées, sont patiemment as-