Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/138

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sis — près de leurs feux de bivouac, et réfléchissent intérieurement — aux dangers de la matinée ; leur morne attitude, — leurs joues décharnées, leurs vêtements de guerre en lambeaux — les font paraître à la clarté de la lune — comme autant d’horribles spectres. Oh ! maintenant qui verrait — le royal capitaine de cette bande délabrée — allant de poste en poste, de tente en tente, — s’écrierait : Louange et gloire sur cette tête ! — Il s’avance en effet, et visite toute son armée ; — il souhaite le bonjour à tous, avec un modeste sourire, — et les appelle frères, amis, compatriotes ! — Sur sa face royale nul indice — qu’une armée formidable l’a enveloppé ; — il ne concède pas même une nuance de pâleur — à l’insomnie de cette nuit fatigante ; — au contraire il a l’air dispos, et domine toute atteinte — avec un visage serein et une suave majesté ; — aussi pas un misérable, abattu et blême tout à l’heure, — qui, en le voyant, ne puise le courage dans ses regards. — Son œil généreux, tel que le soleil, — dispense à tous une universelle largesse, — en faisant fondre la peur glacée. Vous tous donc, spectateurs, petits et grands, — contemplez, telle que l’esquisse mon indignité, — cette faible image de Henry dans la nuit ; — et sur ce notre scène va voler au champ de bataille. — Oh ! pardon, si nous dégradons — avec quatre ou cinq mauvais fleurets ébréchés, — maladroitement croisés dans une bagarre ridicule, — le nom d’Azincourt ! Pourtant, asseyez-vous et voyez ; — rappelez-vous les faits réels au spectacle de leur parodie !

Le chœur sort.