Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/338

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logea, lui et ses capitaines et les siens, assez près de la ville en aucunes vieilles masures là étant, ès quelles, comme ont accoutumé iceux Anglais, firent plusieurs logis de terre, taudis et habillements de guerre pour eschever (esquiver) le trait de ceux de la ville dont ils étaient très-largement servis.

» Le dit comte de Salseberry, le troisième jour qu’il était venu devant icelle cité, entra en la dessus dite du pont, où étaient logés ses gens ; et là dedans icelle monta haut au second étage, et se mit en une fenêtre vers la ville, regardant tout ententivement les marches d’entour d’icelle pour voir et imaginer comment et par quelle manière il pourrait prendre et subjuguer icelle cité. Et lors, lui étant à la dite fenêtre, vint soudainement de la cité avolant la pierre d’un veuglaire, qui férit à la fenêtre ou était le dit comte, lequel déjà, pour le bruit du coup, se retirait dedans. Néanmoins il fut aconsuivi très-grièvement et mortellement de la dite fenêtre, et eut grand’partie du visage emportée tout jus. Pour laquelle blessure du dit comte tous ses gens généralement eurent au cœur grand’tristesse, car d’eux il était moult crému et aimé : toutefois, ainsi blessé, il vécut l’espace de huit jours. Et après ce qu’il eût mandé tous ses capitaines et iceux admonestés qu’ils continuassent à mettre en l’obéissance icelle ville d’Orléans, il se fit porter à Meung, et là mourut au bout de huit jours de sa dite blessure. » — Monstrelet.

(42) « À la journée de la bataille de Patay, avant que les Anglais sussent la venue de leurs ennemis, messire Jean Fascot, qui était un des principaux capitaines, et qui s’en était fui sans coup férir, s’assembla en conseil avec les autres, et fit plusieurs remontrances, c’est à savoir comment ils savaient la perte de leurs gens que les Français avaient fait devant Orléans et Jargeau, et en aucuns autres lieux, pour lesquels ils avaient du pire ; et étaient leurs gens moult ébahis et effrayés, et leurs ennemis, au contraire, étaient moult enorgueillis et résignés. Pour quoi il conseilla qu’ils se retrahissent aux châteaux et lieux tenant son parti aux environs, et qu’ils ne combattissent point leurs ennemis si en hâte, jusqu’à ce qu’ils fussent mieux rassurés, et aussi que leurs gens fussent venus d’Angleterre, que le régent devait envoyer brièvement. Lesquelles remontrances ne furent point agréables à aucuns des capitaines, et par spécial à messire Jean de Talbot, et dit que, si ses ennemis venaient, qu’il les combattrait. Et par spécial, comme le dit Fascot s’enfuit de la bataille sans coup férir, pour cette cause grandement lui fut reproché quand il vint devers le duc de Bedfort, son seigneur ; et, en conclusion, lui fut ôté l’ordre