Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/350

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montagne, ses coureurs commencèrent à voir de toutes parts les Français venant par grands compagnies de gens d’armes pour aller loger à Roussauville et à Azincourt, afin d’être au-devant des dits Anglais pour le lendemain les combattre.

Et ce propre jeudi, vers le vêpre, à aucunes courses fut Phliippe, comte de Nevers, fait nouveau chevalier par la main de Boucicaut, maréchal de France, et avecque lui plusieurs autres grands seigneurs. Et assez tôt après arriva le dit connétable assez près du dit Azincourt, auquel lieu avec lui se rassemblèrent tous les Français en un seul ost, et là se logèrent tous à pleins champs, chacun au plus près de sa bannière ; sinon aucunes gens de petit état qui se logèrent ès villages au plus près de là. Et le roi d’Angleterre avec tous ses Anglais se logea en un petit village nommé Maisonceiles, à trois traits d’arc ou environ des Français.

Lesquels Français, avec tous les autres officiers royaux, c’est à savoir le connétable, le maréchal Boucicaut, le seigneur de Dampierre et messire Clignet de Brabant, tous deux eux se nommant amiraux de France, le seigneur de Rambures, maître des arbalétriers, et plusieurs princes, barons et chevaliers, fichèrent leurs bannières en grand’liesse, avec la bannière royale du dit connétable, au champ par eux avisé et situé en la comté de Saint-Pol, au territoire d’Azincourt, par lequel le lendemain devaient passer les Anglais pour aller à Calais, et firent celle nuit moult grands feux, chacun au plus près de la bannière sous laquelle ils devaient lendemain combattre. Et jà soit ce que les Français fussent bien cent cinquante mille chevaucheurs, et grand nombre de chars et charrettes, canons, ribaudequins et autres habillements de guerre, néanmoins si avaient-ils peu d’instruments de musique pour eux réjouir, et à peine hennissaient nuls de leurs