étaient si bien pris et serrés l’un de l’autre qu’ils ne pouvaient
lever leurs bras pour férir sur leurs ennemis, sinon
aucuns qui étaient au front devant, lesquels les boutèrent
de leurs lances qu’ils avaient coupées par le milieu,
afin qu’elles fussent plus fortes et qu’ils pussent approcher
de plus près les dits Anglais. Et ceux qui devaient
rompre les dits archers, c’est à savoir messire Clignet de
Brabant, et les autres avec lui, qui devaient être huit
cents hommes d’armes, ne furent que sept vingts qui
s’efforçassent de passer parmi les dits Anglais. Et fut vrai
que messire Guillaume de Saveuse, qui était ordonnée
cheval comme les autres, se dérangea tout seul devant
ses compagnons à cheval, cuidant qu’ils le dussent suivre,
et alla frapper dedans les dits archers ; et là incontinent
fut tiré jus de son cheval et mis à mort. Les autres pour
la plus grand’partie, atout leurs chevaux, pour la force
et doute du trait, redondèrent parmi l’avant-garde des dits
Français, aux quels ils firent de grands empêchements ; et
les dérompirent en plusieurs lieux, et firent reculer en
terres nouvelles parsemées, car leurs chevaux étaient
tellement navrés du trait des archers anglais qu’ils ne les
pouvaient tenir ni gouverner ; et ainsi par iceux fut la
dite avant-garde désordonnée ; et commencèrent à cheoir
hommes d’armes sans nombre, et les dessus dits de
cheval, pour peur de mort, se mirent à fuir arrière de
leurs ennemis ; à l’exemple desquels se départirent et
mirent en fuite grand’partie des dessus dits Français.
Et tantôt après, voyant les dessus dits Anglais cette division en l’avant-garde, tous ensemble entrèrent en eux et jetèrent jus leurs arcs et sagettes, et prirent leurs épées, haches, maillets, becs-de-faucons et autres bâtons de guerre, frappants, abattants et occisants iceux Français : tant qu’ils vinrent à la seconde bataille, qui était derrière la dite avant-garde ; et après les dits archers sui-