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SCÈNE IX.

votre avis, parlez du fond du cœur : — ne vaudrait-il pas autant charger un aigle à jeun — de protéger un poulet contre un milan affamé — que faire du duc Homphroy le protecteur du roi ?

la reine marguerite.

— En ce cas le pauvre poulet serait bien sûr de sa mort.

suffolk.

— C’est vrai, madame. Et n’y aurait-il pas folie — à faire du renard le gardien du troupeau, — et, tout accusé qu’il est d’être un rusé meurtrier, — à fermer les yeux sur sa perfidie, — sous prétexte qu’il n’a pas encore exécuté son dessein ? — Non ! — Qu’il meure, avant que ses mâchoires soient teintes d’un sang cramoisi : — qu’il meure, parce qu’il est le renard, — reconnu comme l’ennemi naturel du troupeau, — comme Homphroy, toutes les raisons le prouvent, est l’ennemi du roi ! — Et n’ergotons pas sur les moyens de le tuer : — qu’il meure par engins, piéges ou guets-apens, — endormi ou éveillé, peu importe, — pourvu qu’il meure ! Car la fraude est bonne, — quand elle prévient celui qui méditait la fraude.

la reine marguerite.

— Trois fois noble Suffolk, c’est parler avec résolution.

suffolk.

— Il n’y a de résolution que s’il y a exécution : — car on dit souvent ce qu’on n’a guère l’intention de faire ; — mais ici mon cœur est d’accord avec ma langue, — considérant que l’acte est méritoire — et doit préserver mon souverain de son ennemi. — Dites seulement un mot, et je lui servirai de prêtre.

le cardinal.

— Mais je le voudrais mort, milord de Suffolk, — avant que vous ayez pu recevoir dûment les ordres ; — dites que vous consentez, que vous approuvez l’acte ! — et je lui fournirai un exécuteur, — tant j’ai à cœur le salut de mon roi.