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HENRY VI.

york.

— Milord de Suffolk, dans quatorze jours — j’attends mes soldats à Bristol ; — car c’est là que je les embarquerai tous pour l’Irlande.

suffolk.

— Je ferai en sorte que tout soit prêt, milord d’York.

Tous sortent, excepté York.
york.

— Voici le moment ou jamais, York, d’acérer tes pensées timides, — et de changer le doute en résolution. — Sois ce que tu espères être, ou abandonne à la mort — ce que tu es, comme indigne d’être conservé. — Laisse la peur blême à l’homme infime, — et ne permets pas qu’elle trouve asile dans un cœur royal. — Plus vite que les pluies de printemps, les pensées succèdent aux pensées : — et pas une de mes pensées qui ne pense au pouvoir. — Mon cerveau, plus actif que la laborieuse araignée, — ourdit de pénibles trames pour envelopper mes ennemis. — Fort bien, nobles, fort bien : c’est un acte politique — que de m’expédier avec une armée. — J’ai bien peur que vous n’ayez fait que réchauffer le serpent affamé — qui, caressé sur votre cœur, mordra votre cœur. — C’étaient des hommes qu’il me fallait, et vous voulez me les donner ! — je vous en sais gré. Toutefois soyez bien sûrs — que vous mettez des armes affilées dans les mains d’un furieux. — Pendant qu’en Irlande j’entretiendrai une formidable bande, — je veux soulever en Angleterre un noir ouragan — qui emportera dix mille âmes au ciel ou en enfer. — Et cette terrible tempête ne cessera de faire rage — que quand le cercle d’or posé sur ma tête, — comme le splendide soleil aux transparents rayons, — aura calmé la furie de cette folle bourrasque. — Et déjà, pour mettre à exécution mes desseins, — j’ai séduit un homme opiniâtre du comté de Kent, — John Cade d’Ashford, — qui doit tout faire pour provoquer un mouve-