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SCÈNE XX.

cade.

Voici le maître du lieu qui vient m’arrêter pour vagabondage, comme ayant pénétré dans son domaine sans permission… Ah ! coquin, tu veux me vendre et obtenir du roi mille couronnes, en lui portant ma tête ! mais je te ferai manger du fer comme une autruche, et avaler mon épée comme une grande épingle, afin que nous nous séparions.

iden.

— Eh ! grossier compagnon, qui que tu sois, — je ne te connais pas. Pourquoi donc te vendrais-je ? — N’est-ce pas assez que tu te sois faufilé dans mon jardin, — et que, comme un voleur, tu sois venu piller mes terres, — en escaladant mon mur en dépit de moi, le propriétaire, — sans vouloir encore me braver par des propos insolents ? —

cade.

Te braver ! oui, par le meilleur sang qui fut jamais versé, et t’insulter à ta barbe… Regarde-moi bien ; je n’ai pas mangé depuis cinq jours ; pourtant, venez, toi et tes cinq hommes, et si je ne vous étends pas tous roides morts comme un clou de porte, Dieu fasse que je ne puisse plus manger d’herbe !

iden.

— Non, tant que l’Angleterre subsistera, il ne sera pas dit — qu’Alexandre Iden, écuyer de Kent, — s’est prévalu du nombre pour combattre un pauvre homme affamé. — Oppose ton regard fixe au mien, — et vois si tu peux me faire baisser les yeux. — Mesurons-nous membre à membre, tu es de beaucoup le plus chétif. — Ta main n’est qu’un doigt auprès de mon poignet ; — ta jambe est une badine, comparée à ce rondin ; — dans mon pied il y a autant de vigueur que dans toute ta personne ; — et si je lève le bras en l’air, — ta fosse est déjà creusée en terre… — Mais mettons fin à cette lutte de gros mots, — et que mon épée dise ce que tait ma langue. —