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HENRY VI.

cade.

Par ma valeur, voilà le plus parfait champion que j’aie entendu !… Acier, si ton fil s’émousse, si, avant de dormir en ton fourreau, tu ne découpes pas ce gros rustre ossu en émincés de bœuf, je prie Dieu à deux genoux qu’il soit fait de toi des gros clous.

Ils se battent. Cade tombe.

Oh ! je suis mort ! La faim seule m’a tué : quand dix mille diables se mettraient contre moi, qu’on me donne seulement les dix repas que j’ai perdus, et je les défie tous… Jardin, flétris-toi ; et sois désormais le cimetière de tout ce qui vit dans cette maison, puisqu’ici l’âme indomptée de Cade s’est évanouie.

iden.

— Est-ce donc Cade que j’ai tué, lui, ce traître monstrueux ? — Épée, je veux que tu sois sanctifiée pour cet acte, — et suspendue sur ma tombe, quand je serai mort : — jamais ce sang ne sera essuyé de ta pointe, — mais tu le garderas comme un blason héraldique, — emblème de l’honneur que s’est acquis ton maître (27). —

cade.

Iden, adieu, et sois fier de ta victoire. Dis de ma part au pays de Kent qu’il a perdu son meilleur homme, et exhorte tout le monde à être lâche ; car moi, qui n’ai jamais redouté personne, je suis vaincu par la famine, non par la valeur.

Il meurt.
iden.

— Combien tu m’outrages, le ciel le sait !… — Meurs, damné misérable, malédiction de celle qui t’enfanta ! — Comme je plonge mon épée dans ton corps, — je voudrais pouvoir plonger ton âme dans l’enfer ! — Je vais te traîner par les talons — sur un fumier qui sera ta fosse ; — là, je trancherai ta tête maudite, — et la porterai triomphale-