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HENRY VI.

naufrage. — Cet aspect me navre dans l’âme. — Retiens ta vengeance, Dieu chéri ! ce n’est pas ma faute ; — ce n’est pas de mon plein gré que j’ai enfreint mon serment.

clifford.

— Mon gracieux seigneur, cette excessive douceur — et cette pitié funeste doivent être mises de côté. — À qui les lions jettent-ils de tendres regards ? — Ce n’est pas à la bête qui veut usurper leur tanière. — À qui l’ourse des forêts lèche-t-elle la main ? — Ce n’est pas à celui qui détruit ses petits sous ses yeux. — Qui échappe à la mortelle piqûre du serpent aux aguets ? — Ce n’est pas celui qui lui met le pied sur le dos. — Le plus chétif reptile se redresse contre qui l’écrase, — et les colombes mordent pour défendre leur couvée. — L’ambitieux York aspirait à ta couronne, — et tu souriais, quand il fronçait le sourcil avec colère. — Lui, qui n’était que duc, il voulait faire son fils roi, — et travaillait, en père tendre, à l’élévation de sa race ; et toi, qui es roi, qui as eu le bonheur d’avoir un fils excellent, — tu as consenti à le déshériter, — ce qui était l’acte du père le plus dénaturé. — Les oiseaux, créatures privées de raison, nourrissent leurs petits ; — et, quelque terrible que soit à leurs yeux la face de l’homme, — qui ne les a vus, pour la protection de leur tendre nichée, — s’armer des ailes même — qui servent d’habitude à leur fuite alarmée, — et combattre l’ennemi qui grimpait jusqu’à leur nid, — offrant leur vie pour la défense de leurs poussins ? — Pour votre honneur, mon suzerain, prenez exemple sur eux. — Ne serait-ce pas dommage que ce bel enfant — perdit les droits de sa naissance par la faute de son père, — et qu’il pût dire un jour à son fils : — Ce qu’avaient possédé mon bisaïeul et mon aïeul, — mon père insouciant l’a follement perdu ! — Oh ! quelle honte ce serait ! Regarde ce garçon ; — et puisse son mâle visage, qui promet — une fortune prospère, donner à ton cœur