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INTRODUCTION.

primitif. Il y a d’ailleurs dans Henry VI un défaut incorrigible : c’est le défaut même du plan. Henry VI n’est pas un drame, c’est une série d’épisodes dramatiques, commençant arbitrairement, finissant arbitrairement. Vous ne retrouvez plus ici, comme dans la savante composition de Henry IV, deux actions parallèles, l’une comique, l’autre tragique, qui s’équilibrent, se commentent, se reflètent, s’éclairent et se fondent enfin dans cette unité suprême, l’unité d’impression. À bien compter, il y a, dans la deuxième et dans la troisième partie de Henry VI, au moins quatre actions distinctes, qui commencent et s’achèvent tour à tour sur la scène sans se tenir autrement que par le lien de succession chronologique. La première action a pour dénoûment la triple mort du duc de Glocester, du cardiual de Winchester et du duc de Suffolk ; la seconde, vraie tragi-comédie, a pour conclusion la chute de Jack Cade ; la troisième a pour catastrophe la mort du duc d’York ; la quatrième a pour terminaison la mort de Warwick et le double meurtre du prince de Galles et de Henry VI. Mais quel rapport essentiel y a-t-il entre tous ces épisodes successifs ? Où en est la nécessité intrinsèque ? Quelle est l’impression unique qui s’en dégage ? Je vois bien une série d’incidents rapides, souvent émouvants, amusants, pathétiques ; mais quelle en est l’idée suprême ? Je vois bien la variété, mais où est l’unité ? Les scènes qui se déroulent ici devant moi m’apparaissent comme des chapitres détachés capricieusement d’un livre historique. L’intérêt qu’elles offrent est l’intérêt même de la chronique ; sauf dans la création du rôle de Richard de Glocester, l’imagination du poëte n’a ajouté que peu de chose au récit des annalistes. Ce drame n’est guère que l’histoire mise en dialogue ; et, pour connaître l’un, il suffit presque de relire l’autre.