Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 13.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
HENRY VIII.

— je le jure, mieux vaut être né en bas lieu — et vivre avec les humbles dans le contentement — que se pavaner dans un ennui splendide — et porter une tristesse d’or.

la vieille dame.

Le contentement — est notre meilleur avoir.

anne.

Par ma foi et ma virginité, — je ne voudrais pas être reine.

la vieille dame.

Fi donc ! je voudrais l’être, moi, — dussé-je aventurer pour ça une virginité ; et vous en feriez autant, — malgré toutes ces grimaces de votre hypocrisie. — Vous qui avez les plus charmants dehors de la femme, — vous avez aussi un cœur de femme ; et ce cœur-là a toujours — convoité la prééminence, l’opulence, la souveraineté, — lesquelles, à dire vrai, sont des bénédictions ; et ces dons, quoique vous fassiez la petite bouche, votre conscience de souple chevreau — serait bien capable de les accepter, — s’il vous plaisait de l’élargir un peu.

anne.

Non, en bonne vérité.

la vieille dame.

— Si, en vérité, en vérité. Vous ne voudriez pas être reine ?

anne.

— Non, pas pour toutes les richesses qui sont sous le ciel.

la vieille dame.

— C’est étrange ; moi, une pièce de six sous me ferait consentir, — toute vieille que je suis, à être reine… Mais, je vous le demande, — que pensez-vous d’une duchesse ? Êtes-vous de force — à porter le poids de ce titre-là ?

anne.

Non, en vérité.