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IIe ET IIIe PARTIE DE HENRY VI. — HENRY VIII.

tions, les requêtes les plus raisonnables, ne servent de rien, alors remettez-leur mon anneau que voici, et dites-leur : « Puisqu’il n’y a pas de remède, milords, puisque vous voulez absolument que j’aille à la Tour, je révoque ma cause d’entre vos mains, et j’en appelle au roi en personne, en vertu de ce gage. » Et aussitôt qu’ils verront mon anneau, ils le reconnaîtront si bien, qu’ils comprendront que je me suis réservé à moi-même le jugement de la cause, et que je la soustrais à leur décision.

» L’archevêque, voyant la bonté du roi à son égard, eut beaucoup de peine à retenir ses larmes.

— C’est bon, dit le roi, allez votre chemin, milord, et faites comme je vous ai dit.

» Milord, se confondant en remercîments, prit congé de Son Altesse pour cette nuit-là. Le lendemain, vers neuf heures du matin, le conseil envoya un gentilhomme huissier chercher l’archevêque. Quand celui-ci arriva à la porte de la chambre du conseil, il ne put être admis, mais il fut réduit tout exprès (à ce qu’il semble) à attendre tout seul parmi les pages, les laquais et les gens de service. Le docteur Buts, médecin du roi, passant de ce côté et remarquant comment milord de Cantorbéry était traité, alla trouver Son Altesse le roi et dit :

— N’en déplaise à Votre Grace, milord de Cantorbéry a une belle promotion ; car maintenant il est devenu laquais ou domestique, car il se tient là-bas depuis une demi-heure à la porte de la chambre du conseil parmi les valets.

— Il n’en est pas ainsi, je suppose, dit le roi, le conseil a trop de savoir-vivre pour traiter de la sorte le métropolitain du royaume, celui-ci spécialement étant de leur propre compagnie. Mais laissons cela, dit le roi, et nous en apprendrons bientôt davantage.

» Aussitôt l’archevêque fut mandé dans la chambre du conseil, où on lui opposa les charges susdites. L’archevêque répondit comme le roi le lui avait indiqué ; et à la fin, voyant que ni argument ni supplication ne servait de rien, il leur remit l’anneau du roi, évoquant sa cause entre les mains du roi. Le conseil tout entier étant quelque peu ébahi de cela, le comte de Bedford, confirmant ses paroles par un serment solennel, dit à haute voix : — Quand vous avez tout d’abord commencé cette affaire, je vous ai dit ce qui en adviendrait. Croyez-vous que le roi permettrait qu’on fit souffrir un doigt même de cet homme ? À plus forte raison, je vous le garantis, défendra-t-il sa vie contre de misérables bavards. Vous ne faites que vous nuire en écoutant ces contes et ces fables répandus contre lui. »

Et, aussitôt que le gage du roi fut reconnu, tous se levèrent et re-