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EXTRAIT DES MÉMOIRES DE CAVENDISH.

dans les grandes. Je n’ai jamais protesté par paroles ni par contenance ; je n’ai jamais montré un visage, une étincelle de mécontentement. J’ai aimé tous ceux que vous aimiez, uniquement par égard pour vous, que j’eusse, ou non, motif de le faire, qu’ils fussent mes amis ou mes ennemis. Depuis vingt ans et plus, j’ai été votre loyale femme ; et de moi vous avez eu plusieurs enfants, quoiqu’il ait plu à Dieu de les rappeler de ce monde ; ce qui n’a pas été ma faute. Et dans les premiers temps où vous m’avez eue, j’en prends Dieu pour juge, j’étais une véritable vierge qu’aucun homme n’avait touchée. Si cela est vrai ou non, je le demande à votre conscience. S’il est aucune accusation que vous puissiez légalement alléguer contre moi ou contre mon honneur, pour me bannir et m’éloigner de vous, je suis toute résignée à vous quitter pour mon grand déshonneur et pour ma honte ; mais, s’il n’en est aucune, alors je vous supplie très-humblement de me laisser demeurer dans mon état présent et de me faire justice. Le roi votre père était au temps de son règne tellement estimé par le monde pour son excellente sagesse qu’il était réputé et appelé par tous un second Salomon ; et mon père Ferdinand, roi d’Espagne, était regardé comme un des princes les plus sages qui eussent régné depuis longues années en Espagne ; tous deux étaient des rois excellents par leur sagacité et leur conduite princière. Il est donc hors de doute qu’ils avaient désigné et rassemblé autour d’eux les conseillers les plus sages que leur haut discernement eût pu distinguer. Ainsi, à ce qu’il me semble, il y avait, en ce temps-là, dans les deux royaumes des hommes aussi sages et aussi doctes, aussi éclairés que ceux d’aujourd’hui, qui regardaient alors le mariage entre vous et moi comme bon et valable. Il est donc surprenant d’entendre les nouvelles inventions élevées contre moi, qui n’ai jamais