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LA PATRIE.

tions ? Est-ce là le cordial que vous apportez à une femme perdue au milieu de vous, bafouée, méprisée… Malheur à vous et à tous les faux parleurs comme vous ! Voudriez-vous, si vous aviez quelque justice, quelque pitié, si vous aviez de l’homme d’Église autre chose que l’habit, voudriez-vous que je remisse ma cause malade entre les mains de qui me hait ?

Mais la victime a beau se tordre, elle a beau crier, elle a beau jeter l’injure à la face de ses tourmenteurs. Les bourreaux en robe rouge continuent impassibles leur atroce besogne ; ils pressent une dernière fois la malheureuse de s’abandonner au bon plaisir du maître. Sinon, gare à elle !

— Le roi vous aime, dit Campeius avec un accent sinistre, prenez garde de perdre son affection !

Suprême avertissement qui sous-entend quelque terrible chose : peut-être l’emprisonnement, peut-être le bannissement, peut-être la mort ! La colère de Henry VIII, c’est la ruine de quiconque la provoque ; Catherine a compris cela, et déjà elle entrevoit dans l’ombre les apprêts de quelque affreux supplice. Les forces lui manquent, l’épouvante la saisit, et la voilà enfin qui s’humilie et qui cède :

— Faites ce que vous voudrez, milords. Et, je vous en prie, pardonnez-moi, si je me suis comportée de façon discourtoise. Vous savez, je suis une femme dépourvue de l’esprit nécessaire pour répondre convenablement à des personnes comme vous. Veuillez offrir mes respects à Sa Majesté. Le roi a encore mon cœur, et il aura mes prières tant que j’aurai la vie !

Ainsi la torture a réussi. La pauvre reine, épuisée, terrifiée, veut ce que voudra le roi. Les cardinaux triomphent, mais leur triomphe n’est pas de longue durée. À peine Wolsey a-t-il arraché le consentement de la reine,