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LES FARCES.

des compositions du maître ; une comédie dont le sujet, pris dans les mœurs intimes des classes moyennes, devait intéresser profondément la nation ; une comédie faite pour passionner et la cour et la ville, et qui d’ailleurs, comme l’annonce le titre de l’édition de 1602, avait été plusieurs fois représentée devant Sa Majesté la reine Élisabeth ? Le critique, qui se souvenait si bien de Henry IV, pouvait-il ne pas se rappeler une œuvre qui en est le complément scénique et qui a pour protagoniste le héros comique de ce drame illustre ? Le silence de Meres n’a, selon moi, qu’une explication raisonnable : si Meres n’a pas mentionné les Joyeuses Épouses de Windsor en 1598, c’est qu’en 1598 les Joyeuses Épouses de Windsor n’existaient pas encore.

Je rejette donc à priori la date 1592, proposée par MM. Knight et Halliwell, et la date 1596, adoptée par Chalmers ; mais je n’accepte pas davantage la date 1601, fixée par Malone et par Drake. L’année 1601 est l’époque la plus sombre peut-être de la vie et du règne d’Élisabeth ; c’est l’année de la révolte et du supplice d’Essex ; et je conviens avec Chalmers qu’alors la reine Élisabeth, veuve de son favori, ne devait guère être en humeur de s’amuser d’une comédie, encore moins d’en commander une. Selon moi, c’est donc dans l’intervalle entre l’année 1598 et l’année 1601 exclusivement qu’a dû être conçue, composée, montée et jouée devant la reine la comédie imprimée en 1602 par l’éditeur Johnson. En effet l’histoire fournit à l’appui de ma conjecture un document remarquable qui, chose étrange, a jusqu’ici échappé à l’attention des commentateurs.

L’hiver de 1599-1600 fut singulièrement gai à la cour d’Angleterre. Élisabeth, qui venait de mettre Essex aux arrêts, affecta une joie cruelle tant que dura cette rigoureuse captivité. Elle eut, notamment aux fêtes de Noël,