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SCÈNE IV.

goût, — si je n’étais là pour te parler, te contempler, te toucher, te servir. — Comment se fait-il donc, mon mari, oh ! comment se fait-il — que tu te renies ainsi toi-même ? — Je dis toi-même, puisque tu me renies, moi — qui, inséparable de toi, confondue avec toi, — suis plus que la meilleure portion de ton cher être. — Ah ! ne t’arrache pas de moi ; — car, sache-le, mon amour, autant vaudrait laisser tomber — une goutte d’eau dans l’Océan qui se brise — et tenter de la retirer entière — sans addition ni diminution — que tenter de te séparer de moi sans m’entraîner avec toi. — Combien profondément tu te sentirais blessé — si tu apprenais que je suis infidèle, — et que ce corps, à toi consacré, — est flétri par une infâme luxure ! — Ne me cracherais-tu pas au visage ? ne me chasserais-tu pas ? — Ne me jetterais-tu pas le nom d’époux à la face ? — Ne déchirerais-tu pas la peau souillée de mon front impudique ? — N’arracherais-tu pas l’anneau nuptial de ma main perfide, — et ne le briserais-tu pas avec un serment de divorce éternel ? — Je le sais, tu ferais tout cela ; eh bien, fais-le donc. — J’ai sur moi la tache de l’adultère ! — La fange de la luxure est mêlée à mon sang ! — Car, si tous deux nous ne sommes qu’un, et si tu es infidèle, — j’ai dans les veines le poison de ta chair, — et je suis prostituée par ta contagion. — Garde donc ton amour et ta foi à ton lit légitime ; — alors je vis sans tache, et toi sans déshonneur !

antipholus de syracuse.

— Est-ce à moi que vous parlez, belle dame ? Je ne vous connais pas. — Je suis à Éphèse depuis deux heures seulement, — aussi étranger à votre ville qu’à ce que vous me dites ; — j’ai eu beau mettre toute mon intelligence à étudier chacune de vos paroles, — l’intelligence me manque pour en comprendre une seule.