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LES FARCES.

à pincer les servantes qui se sont couchées sans avoir lavé la vaisselle ni balayé l’âtre, et à troubler sans merci le sommeil des procureurs et des records « aux yeux de renard. » L’auteur a raturé cette épigramme un peu banale contre les gens de loi, et l’a remplacée par cette ode fameuse que lui inspire la grandeur immémoriale du château de Windsor. Dans un magnifique mouvement lyrique, il somme les rois de respecter à jamais cette majesté de pierre dont ils sont les hôtes, et souhaite fièrement que le « châtelain soit toujours digne du château. » Puis, s’adressant à l’aristocratie, dont les panoplies armoriées sont rangées à l’ombre du monument dans la chapelle Saint-Georges, il émet le vœu que ces splendides insignes de la grandeur mondaine soient aussi les symboles de la grandeur morale. De l’avis des commentateurs, ces vers admirables auraient été composés à propos d’un événement qui dut intéresser intimement Shakespeare. En juillet 1603, le noble privilégié à qui sont dédiés les sonnets de Will, le comte de Southampton, tout récemment délivré de captivité par la mort de la reine Élisabeth, fut installé chevalier de la Jarretière. La comédie les Joyeuses Épouses de Windsor fut représentée de nouveau à la cour en 1604 ; et il est infiniment probable que, revisant son œuvre à cette occasion, le poëte a en effet voulu adresser ici un délicat souvenir au « Lord de son amour. »

Ce qui me frappe dans cette refonte des Joyeuses Épouses de Windsor, ce n’est pas seulement le perfectionnement de l’ensemble, l’éclaircissement de l’intrigue, c’est principalement l’achèvement du détail. Partout, sous la retouche, naissent les traits lumineux qui font ressortir les personnages et saillir les figures. Ici, une exclamation caractéristique nous peint sous un jour tout nouveau la mélancolique Anne Page, la beauté aux che-