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SCÈNE XI.

viola.

— Je vous plains.

olivia.

C’est déjà un pas vers l’amour.

viola.

— Nullement ; car il est de vulgaire expérience — que bien souvent nous plaignons nos ennemis.

olivia.

— Eh bien donc, je crois qu’il est temps de reprendre mon sourire. — Ô humanité ! comme l’être le plus chétif est prompt à l’orgueil ! — S’il faut servir de proie, combien il vaut mieux — être la victime du lion que du loup !

L’horloge sonne.

— L’horloge me reproche le temps que je perds. — N’ayez pas peur, bon jouvenceau, je ne veux pas de vous ; — et pourtant, quand esprit et jeunesse seront mûrs, — votre femme aura chance de récolter un mari sortable. — Voilà votre chemin, tout droit au couchant.

viola.

Je vais donc vers le couchant. — Que la grâce et la bonne humeur fassent cortége à Votre Excellence ! — Vous ne me chargez de rien pour mon maître, madame ?

olivia.

Arrête. — Je t’en prie, dis-moi ce que tu penses de moi.

viola.

— Que vous pensez ne pas être ce que vous êtes.

olivia.

— Si je pense ça, je le pense aussi de vous.

viola.

— Alors vous pensez juste, je ne suis pas ce que je suis.