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SCÈNE XIX.

heures m’ont torturé et tenaillé, — depuis que je t’ai perdu !

antonio.

Êtes-vous Sébastien ?

sébastien.

En doutez-vous, Antonio ?

antonio.

— Comment avez-vous pu vous partager ainsi ? — Une pomme, coupée en deux, n’a pas de moitiés plus jumelles — que ces deux créatures. Lequel est Sébastien ?

olivia.

Rien de plus prodigieux !

sébastien, regardant Viola.

— Est-ce moi qui suis là ?… Je n’ai jamais eu de frère, — et je n’ai pas dans mon essence le don divin — d’ubiquité. J’avais une sœur — que les vagues et les flots aveugles ont dévorée…

À Viola.

— De grâce, quel parent ai-je en vous ? — quel compatriote ? quel est votre nom, quelle est votre famille ?

viola.

— Je suis de Messaline. Sébastien était mon père ; — un Sébastien aussi était mon frère : — c’est ainsi vêtu qu’il est descendu dans sa tombe houleuse. — Si les esprits peuvent assumer une forme et un costume, — vous êtes apparu pour nous effrayer.

sébastien.

Je suis un esprit, en effet, — mais revêtu des proportions grossières — que je tiens de la matrice. — Si vous étiez une femme, tout s’accorde si bien du reste, — que je laisserais couler mes larmes sur vos joues, — en m’écriant : Sois trois fois la bienvenue, naufragée Viola !