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EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

que je n’ai point puissance de rien accorder, et que j’ai un père à qui je dois obéissance : bien vous direz, sans dissimuler, que si le choix m’était donné pour écrire ce qui serait selon mon désir, que vous auriez le premier lieu, et emporteriez la victoire. Par ainsi usez de diligence de votre part, et verrez que je ne vous dois rien de moins, ainsi pensez que je vous surpasse en loyale et sincère affection, au moins si la fortune veut que nos désirs s’effectuent.

Votre bonne amie,
Nicole de Nanni.

La messagère porta à Lactance cette réponse, de quoi il fut plus content que si on l’eût fait gonfalonnier de l’Église, et ne cherchait que l’opportunité de parler à Ambroise pour lui demander sa fille. Mais délayant, comme saisi de quelque honte, ou peut-être craignant que ses parents et curateurs ne lui empêchassent les desseins, lui étant encore mineur, la fortune lui ôta pour ce coup cet aise, afin de faire sentir ses mobilités à celle que depuis il eut pour épouse. Car le père ayant certaines affaires à Rome, fut contraint d’y aller, et ne voulant que sa fille demeurât sans honnête compagnie, l’emmena quant et lui et la mit chez un sien frère à Fabrian. Cette allée donna une grande transe et soubresaut au cœur de Lactance, et plus de mécontentement à la fille, laquelle étant chez son oncle, y fut tenue de si court qu’il lui fut impossible de parler à personne pour mander de ses nouvelles à son ami, qui la mit en telle angoisse qu’il n’y avait moyen aucun de la faire réjouir, et quoique ses cousines lui tinssent bonne compagnie, si elle eût mieux aimé la solitude pour se rassasier de pensement et se nourrir de la mémoire de son Lactance. Lequel comme légèrement avait appréhendé l’amour pour se coiffer de la beauté de Nicole présente, aussi inconstamment l’oublia-t-il en discontinuant la vue : car il devint amoureux